1. Mise en oeuvre

1.1. Performances sur un canal multitrajet

Dans les chapitres précédents les correcteurs ont été simulés sur des canaux présentant un seul trajet sans atténuation ni retard, et un bruit blanc additif gaussien. Or un des intérêts de la modulation OFDM est sa grande adaptation aux canaux multitrajets. Dans les deux systèmes présentés l'égalisation du canal est indépendante de la compensation de la non-linéarité faite par le réseau de neurones. Le correcteur devrait donc avoir les mêmes performances quel que soit le canal dans lequel se propage le signal OFDM. Nous allons vérifier cette affirmation à l'aide d'une simulation sur un canal multitrajet.

Le modèle de canal que nous avons choisi pour cette simulation est un modèle présent dans le logiciel SPW, et proposé dans [SALE87] comme modèle de canal Indoor, c'est à dire à l'intérieur d'un bâtiment. Ce modèle prend en compte deux phénomènes. Tout d'abord les réflexions sur les objets à proximité immédiate de l'émetteur et du récepteur vont causer plusieurs échos très proches les uns des autres. Cet ensemble d'échos très proches est appelé paquet. Ensuite les obstacles entre les deux appareils radio (les murs et les portes par exemple) vont causer d'autres échos, mais plus espacés entre eux. Saleh propose donc dans son modèle de créer tout d'abord un paquet composé d'échos très proches, avec une distribution uniforme des déphasages et une distribution de Rayleigh pour les amplitudes. Ensuite la réponse du canal est composée de plusieurs paquets, chaque paquet étant une copie retardée et atténuée du premier. Le retard de chaque paquet est déterminé à l'aide une loi de Poisson.

Pour paramétrer le modèle nous avons utilisé les valeurs suggérées dans le modèle de Saleh dans de SPW [CADE02] qui simule un canal à l'intérieur d'un immeuble dans la bande des 1,5 GHz. Le canal a une réponse impulsionnelle avec un étalement des retards de 600 ns, avec un temps moyen entre paquets de 200 ns et des échos dans chaque paquet espacés en moyenne de 5 ns. La figure montre le module de la réponse impulsionnelle de ce canal :

Figure 5.1. Module normalisé en puissance de la réponse impulsionnelle du canal multitrajets

Module normalisé en puissance de la réponse impulsionnelle du canal multitrajets

Pour la modulation OFDM nous avons choisi une fréquence d'échantillonnage de 125 MHz, ce qui veut dire que la réponse du canal a une durée de 75 échantillons temporels. Nous avons donc fixé la taille de l'intervalle de garde à 128 échantillons et la longueur du symbole OFDM temporel à 512 échantillons. En effet, comme rappelé dans la section 2.4, la durée de l'intervalle de garde doit être supérieur à l'étalement des retards, et il est conseillé qu'elle soit environ le quart de la durée du symbole OFDM. Le nombre de porteuses est donc de 512, et nous avons choisi une modulation MAQ16. Le correcteur utilisé est un RPN dans le domaine temporel, étant donné que nous n'avons pas réussi à entraîner correctement un RPN dans le domaine fréquentiel avec une modulation OFDM ayant plus de 8 porteuses.

L'égalisation du canal et l'apprentissage du RPN utilisent comme base d'apprentissage des symboles OFDM connus de l'émetteur et du récepteur. L'égaliseur de canal que nous avons utilisé est très simple, il estime la réponse fréquentielle du canal en divisant les symboles reçus sur chaque porteuse par le symbole connu. Le cas non linéaire peut poser un problème car les symboles reçus sont déformés par la non-linéarité, ce qui n'est pas le cas des symboles connus. Cependant on constate en pratique que malgré cette différence, cet égaliseur simple parvient à estimer correctement le canal. On peut quantifier la précision de l'estimation du canal par le critère suivant :

Équation 5.1. Critère d'évaluation de la précision d'estimation du canal

est la réponse du canal et celle estimée par le correcteur. Ces vecteurs sont des vecteurs complexes, de dimension (le nombre de porteuses) et dont chaque composante est la réponse fréquentielle (estimée ou réelle) du canal à la fréquence d'une porteuse. Si l'on trace l'évolution de ce critère en fonction du nombre de symboles OFDM qui servent à évaluer la réponse du canal, figure 5.2, on constate que l'égaliseur parvient à une estimation correcte au bout d'environ 50 symboles. Nous avons pris une marge en fixant le nombre de symboles OFDM de calibration à 80.

Figure 5.2. Évolution de l'estimation du canal

Évolution de l'estimation du canal

Une fois le canal égalisé, l'apprentissage du réseau RPN peut avoir lieu. La figure 5.3 montre le taux d'erreur binaire du système obtenu. 'ref' est la courbe sans correcteur et 'rpn' est celle avec le réseau RPN.

Figure 5.3. Taux d'erreur binaire en fonction du rapport signal sur bruit. Système OFDM à 512 porteuses, amplificateur SSPA avec un recul de 0 dB, une modulation MAQ16 et un canal multitrajet

Taux d'erreur binaire en fonction du rapport signal sur bruit. Système OFDM à 512 porteuses, amplificateur SSPA avec un recul de 0 dB, une modulation MAQ16 et un canal multitrajet

Le gain apporté par le correcteur pour un taux d'erreur binaire de est ici de presque 10 dB et pour un rapport de 20 dB ce taux d'erreur binaire est divisé par 3. A titre de comparaison voici la même courbe sur un canal de Gauss (monotrajet) :

Figure 5.4. Taux d'erreur binaire en fonction du rapport signal sur bruit. Système OFDM à 512 porteuses, amplificateur SSPA avec un recul de 0 dB, une modulation MAQ16 et un canal de Gauss, et comparaison avec les courbes obtenues figure précédente

Taux d'erreur binaire en fonction du rapport signal sur bruit. Système OFDM à 512 porteuses, amplificateur SSPA avec un recul de 0 dB, une modulation MAQ16 et un canal de Gauss, et comparaison avec les courbes obtenues figure précédente

Le fait que le canal soit multitrajets augmente le taux d'erreur binaire, mais l'on constate que dans les deux cas le réseau de neurones apporte un gain significatif au système. Le correcteur préserve donc l'avantage de l'OFDM sur les canaux multitrajets.

1.2. Implémentation et apprentissage

Les deux correcteurs présentés nécessitent une certaine puissance de calcul. Il faut donc placer dans le récepteur un processeur capable d'effectuer toutes les opérations demandées. Mais comme une réception OFDM demande déjà un grand nombre de calculs (notamment pour la transformée de Fourier) un tel calculateur est déjà disponible. L'implémentation de ces calculateurs nécessitera donc simplement une puissance de calcul supérieure. Une étude plus quantitative en terme de puissance de calcul nécessaire aux deux correcteurs sera effectuée dans la section 2.2.

L'apprentissage du correcteur peut être réalisé de deux manières différentes. Une première manière est de faire cet apprentissage par le récepteur lors de l'établissement de la communication. L'émetteur transmet un certain nombre[9] de symboles OFDM connus de lui et du récepteur, et ceci constitue une base d'apprentissage. Cette approche a l'avantage d'une plus grande souplesse d'utilisation, le récepteur pouvant s'adapter à n'importe quel amplificateur, à n'importe quel moment. Mais elle nécessite plus de calcul, surtout pour le correcteur dans le domaine fréquentiel. L'apprentissage du correcteur RPN temporel sur un système à 48 porteuses demande 30 secondes sur une station de travail Sun Ultra 10, celui du correcteur HPU dans les mêmes conditions 8 secondes, mais il risque de demander plus de temps dans le cas d'un système embarqué qui possède généralement une puissance de calcul moindre. De plus nous avons vu qu'il y avait un rapport signal sur bruit optimal dans chaque cas. Si le rapport signal sur bruit du canal ne correspond pas à ce rapport optimal, le réseau obtenu n'aura pas les meilleures performances.

La seconde solution est d'effectuer l'apprentissage une fois, et de mémoriser les paramètres du correcteur obtenu dans l'émetteur. Ensuite ces paramètres sont envoyés au récepteur, qui initialisera son correcteur avec les paramètres reçus. Ces paramètres devront être envoyés avec un code correcteur d'erreurs plus puissant que celui employé pour le reste de la communication car le récepteur ne peut pas encore compenser les non-linéarités au moment où il les reçoit. Cette méthode a l'avantage de simplifier le récepteur, qui n'a plus besoin de réaliser l'apprentissage, mais a le défaut de modifier le protocole de communication. De plus dans le cas d'une diffusion (un signal vidéo par exemple) l'émetteur devra envoyer régulièrement ces paramètres, et donc une partie du débit utile sera perdue pour ceux-ci.



[9] ce nombre dépend de l'application. Dans la simulation sur un canal multitrajet présentée section 1.1, l'égalisation du canal a demandé 80 symboles OFDM, et l'apprentissage du réseau de neurones 2048 échantillons temporels, soit 4 symboles OFDM. Le temps de transmission de l'ensemble de ces symboles à la fréquence d'échantillonnage de 125MHz est de 0,43ms, intervalles de garde compris