4. La réduction des effets des non-linéarités en OFDM

Plusieurs méthodes ont déjà été proposées pour limiter les effets des non-linéarités dans un système OFDM. Celles-ci peuvent être classées en plusieurs catégories.

4.1. Limitation de l'amplitude du signal OFDM temporel

M. Pauli et H.-P. Kuchenbacker proposent de limiter l'amplitude du signal temporel en multipliant ce dernier par une enveloppe [PAUL96]. On fixe l'amplitude maximale voulue pour le signal OFDM, et un algorithme construit l'enveloppe à l'aide d'impulsions gaussiennes de telle sorte que ce seuil ne soit jamais dépassé. Les impulsions gaussiennes ont l'avantage d'être localisées à la fois dans les domaines fréquentiel et temporel, ce qui minimise les perturbations générées.

Figure 1.28. Impulsions gaussiennes pour limiter l'amplitude du signal

Impulsions gaussiennes pour limiter l'amplitude du signal

Dans la figure 1.28, extraite de l'article [PAUL96], est le signal d'origine (sur la courbe il est divisé par sa valeur efficace ), et il est multiplié par composé d'impulsions gaussiennes. Le résultat du produit est le signal , qui ne dépasse jamais le seuil fixé, ici .

Le signal ayant une amplitude plus faible, les influences des non-linéarités de l'amplificateur seront moindres. Le but de cette méthode n'est pas de réduire le nombre d'erreurs, mais de diminuer les intermodulations crées par l'amplificateur quand il est utilisé dans son domaine non-linéaire. En effet dans certaines applications de l'OFDM, comme la norme de réseau informatique radio HIPERLAN/2, le domaine radio alloué est séparé en plusieurs canaux très proches, et le signal OFDM doit être transmis dans un seul de ces canaux. Cependant les intermodulations peuvent causer des perturbations dans un canal contigu, et nécessitent donc d'être contrôlées. Avec cette méthode les intermodulations sont fortement atténuées, avec une augmentation négligeable des erreurs sur le flux binaire.

4.2. Modification du codage

Un codage détecteur ou correcteur d'erreurs est systématiquement utilisé dans un système de communication numérique, afin de protéger la transmission en réduisant les erreurs binaires. Les codes en blocs sont particulièrement adaptés à une communication multiporteuses. Dans un code en bloc on encode un mot de bits (appelé mot d'information) en un autre mot de bits (appelé mot de code). et est le nombre de bits de redondance par mot du code. Si l'on choisit pour le nombre de bits représentés par un symbole OFDM, on a une correspondance directe entre un mot du code et un symbole OFDM. Or tous les symboles OFDM possibles n'ont pas le même PMEPR. Donc il est possible de sélectionner les mot de code qui génèrent des symboles OFDM avec un PMEPR faible, et ainsi diminuer le PMEPR global du signal temporel.

Il est possible de construire un nouveau code correcteur d'erreurs en choisissant systématiquement les mots de code ayant le PMEPR le plus faible. Cependant il n'a pas encore été trouvé d'algorithme permettant de déterminer ces mots, et il est donc nécessaire de calculer le PMEPR de tous les mots possibles avant de sélectionner ceux qui ont le facteur de crête le plus faible. Quand le nombre de porteuses est important, le grand nombre de symboles possibles rend cette recherche très longue. Cependant on constate une chute importante du PMEPR avec des codes qui ont un bon rendement. Le décodage de ce type de codes est aussi extrêmement coûteux, car il faut comparer le mot reçu avec tous les mots du code [WILK95].

Des recherches ont dont été orientées vers des codes qui seraient à la fois simples à encoder et décoder et présentant un faible facteur de crête. Une famille de codes, les m-sequences, a été proposée dans [LI97], mais n'offre que peu d'avantages par rapport à d'autres familles [JEDW97]. Un autre type de code proposé est un code de Reed Müller d'ordre 1 associé à des séquences complémentaires de Golay. Il n'est plus nécessaire de parcourir toute la liste des symboles OFDM possibles, car un algorithme permet de déterminer directement un mot de code qui génère un signal avec un faible facteur de crête. De plus le décodeur est plus simple à réaliser. Le taux d'erreur binaire sur une liaison OFDM a ainsi été réduit de façon significative, mais cette technique est limitée aux modulations de phase (et donc aux modulations de type MDP à n états) [DAVI97][LOUE00]. Une famille particulière des codes de Reed-Solomon, nommée "Analog Codes" est également intéressante, mais nécessite que les filtres d'émission soient placés après la non-linéarité, ce qui exclut les applications en radiofréquence [HENK00].

4.3. Modification des symboles OFDM

La méthode PTS (Partial Transmit Sequences) [MULL97] consiste à répartir les différentes porteuses en plusieurs blocs, puis en appliquant une rotation sur chaque bloc. Le symbole OFDM est tout d'abord décomposé en une somme. Si l'on appelle chaque terme et si l'on note le nombre de termes, on a :

Équation 1.31. Décomposition PTS d'un symbole OFDM

Sur chaque porteuse, le symbole transmis est placé dans un et un seul terme de la décomposition. Pour les autres termes, la composante correspondante sera à 0. On peut formaliser cette contrainte :

Équation 1.32. Répartition des symboles dans une décomposition PTS

A titre d'exemple, on peut envisager une décomposition en deux termes () dans laquelle le premier terme contiendrait les premières porteuses, et le symbole les suivantes. Ou encore un premier terme avec les porteuses de numéro pair, et un autre avec celles de numéro impair.

Figure 1.29. Exemples de décompositions PTS

Exemples de décompositions PTS

Dans un modulateur OFDM (1.15), une IDFT est réalisée pour obtenir le symbole OFDM temporel. Comme l'IDFT est linéaire, il est possible de calculer l'IDFT de chaque symbole , et la somme des transformées sera également le symbole OFDM temporel. Dans un modulateur PTS, chaque transformée est multipliée par une valeur complexe de module 1, ce qui cause une rotation du vecteur transformé. Un algorithme détermine le jeu de valeurs qui produit un symbole temporel avec le PMEPR le plus faible. Le récepteur réalisera la même recomposition, et multipliera par l'inverse des valeurs , et ainsi retrouvera le symbole OFDM original.

Figure 1.30. Principe d'un modulateur PTS

Principe d'un modulateur PTS

Le récepteur doit connaître les coefficients pour recombiner les vecteurs correctement. Deux solutions sont proposée dans [MULL97]. On peut coder ces coefficients dans les symboles transmis, ou utiliser un codage différentiel. Dans les deux cas on constate une petite perte du débit utile, consacrée à ces coefficients. Cependant une baisse conséquente du PMEPR apparaît, lorsque le nombre de termes et la décomposition sont bien choisis.

Une autre méthode, dite "selected mapping" [BAUM96], peut être vue comme un cas particulier de PTS, où chaque terme correspond à une et une seule porteuse. Dans un système "selected mapping", un certain nombre de vecteurs sont définis et connus de l'émetteur et du récepteur. Ces vecteurs ont composantes, toutes complexes de module 1. Pour chaque symbole OFDM on peut construire symboles modifiés en multipliant terme à terme les vecteurs et . C'est le symbole modifié qui génère un signal temporel avec le PMEPR le plus faible qui sera transmis. Si le récepteur connaît le vecteur qui a servi à modifier le symbole OFDM, il sera capable de retrouver le symbole original. Pour cela soit l'on transmet le numéro du vecteur qui a fait la modification (au détriment d'une petite partie du débit utile), soit le récepteur effectue décodages avec tous les vecteurs possibles et détermine le symbole qui a été envoyé avec la plus forte probabilité.

Il est également possible d'ajouter aux symboles OFDM transmis une séquence particulière qui va baisser le facteur de crête. Les séquences possibles font partie d'un code connu de l'émetteur et du récepteur, et un algorithme en treillis permet de choisir la séquence qui entraîne un facteur de crête faible. Cette méthode est appelée "trellis shaping" [HENK00b].

Enfin deux méthodes décrites dans [TELL98] proposent d'agir sur les symboles transmis sur chaque porteuse. Dans la première méthode, dite "tone reservation", certaines porteuses sont réservées et ne transmettent aucune information. Un algorithme détermine quels symboles transmettre sur ces porteuses pour minimiser le facteur de crête, mais le récepteur les ignore. On constate une baisse importante du facteur de crête, au détriment du débit utile d'informations. Dans la seconde méthode, dite "tone injection", la constellation utilisée lors du codage binaire est étendue. Des points sont ajoutés autour de la constellation existante, et ainsi chaque symbole possible correspond à plusieurs points de la constellation. Un algorithme dans l'émetteur choisit les points qui minimisent le facteur de crête. Dans ce cas également le facteur de crête peut être réduit significativement, mais cette fois au détriment de la puissance moyenne du signal, qui augmente.

4.4. Prédistorsion

La prédistorsion consiste à ajouter un élément avant l'amplificateur qui va inverser la fonction non linéaire de celui-ci.

Figure 1.31. Principe de la prédistorsion

Principe de la prédistorsion

Cette méthode a été mise au point pour des modulations mono-porteuses, mais peut également être appliquée à l'OFDM. Cependant l'amplitude de saturation de l'amplificateur demeure une limite infranchissable, et un émetteur radio muni de cet amplificateur linéarisé aura tout de même des saturations et donc des erreurs dues à des non linéarités. Plusieurs moyens de réaliser cette prédistorsion ont été étudiés, dont un modèle polynomial [BENE96] et un modèle qui sépare la distorsion en deux, une sur le module du signal et une autre sur sa phase [ANDR01].

4.5. Correction à la réception

Une dernière possibilité est de corriger les distorsions introduites par les non linéarités dans le récepteur. L'avantage de cette méthode est qu'elle peut être utilisée sur des systèmes existants car il n'est pas nécessaire de modifier le codage ou les composants de l'émetteur. Seul le récepteur doit être modifié pour faire fonctionner un algorithme supplémentaire au niveau de l'égalisation. Et aucune modification des normes et protocoles existants est nécessaire.

Un algorithme itératif est proposé dans [YAMA98], et est adapté au cas de l'OFDM en couches (layered OFDM). La modulation en couches consiste à séparer les porteuses en plusieurs catégories, dont certaines sont plus protégées contre les erreurs que les autres. Par exemple dans une application de télévision numérique, deux couches peuvent être présentes : une couche bas débit avec un fort pouvoir de correction, qui fournit une image de qualité moyenne, et une couche haut débit avec moins de correction, qui permet aux récepteurs recevant un signal de bonne qualité de fournir une meilleure image. L'algorithme présenté s'appuie sur les porteuses à fort pouvoir de correction pour corriger de manière itérative les distorsions non linéaires sur les porteuses à faible pouvoir de correction.

Dans [NISH96], les auteurs proposent une autre méthode appelée postdistorsion. Celle-ci peut s'appliquer à n'importe quel système OFDM, et consiste en un module placé dans le récepteur après l'égalisation de canal. Ce module simule la chaîne OFDM complète, teste la transmission de différents symboles OFDM, et compare le résultat avec le symbole reçu. Ainsi on peut déterminer le symbole qui a été émis avec la plus grande probabilité.

Figure 1.32. Principe d'une postdistorsion OFDM

Principe d'une postdistorsion OFDM

Il n'est pas possible de simuler tous les symboles OFDM possibles car cela demanderait trop de calcul, donc des algorithmes sont chargés de limiter le nombre de tests à réaliser en choisissant soigneusement les candidats potentiels. Ces algorithmes sont améliorés dans [ATAR98] et permettent de réduire le nombre de tests, et donc de calculs, avec une augmentation négligeable de l'erreur. Par contre dans les deux cas, la postdistorsion suppose que l'on connaît parfaitement le modèle de l'amplificateur et du canal afin de les simuler correctement.