Introduction Générale

Les télécommunications font partie des technologies qui ont révolutionné notre mode de vie au vingtième siècle. Du télégraphe à l'Internet, de la TSF au téléphone cellulaire, les progrès établis en la matière sont spectaculaires. Les informations transmises étaient tout d'abord codées en morse, puis des techniques de modulation et de codage analogiques ont permis de transmettre du son, puis des images. Ensuite la venue des techniques numériques a considérablement augmenté le débit et la qualité des informations à transmettre d'un point à un autre.

Parallèlement, le développement rapide de la microélectronique et des capacités de miniaturisation permettent aujourd'hui la mise en oeuvre de techniques complexes dans des appareils de taille réduite. Cependant l'augmentation des besoins en débit se heurte à la nature des canaux eux-mêmes. En effet, dans des applications telles que la télédiffusion à grande échelle ou un réseau informatique radio à l'intérieur d'un bâtiment, le canal est de type multitrajet. Le signal est réfléchi en plusieurs endroits, et des échos apparaissent et créent des perturbations dont l'influence augmente avec le débit de transmission. Parmi les solutions étudiées pour palier ce problème, les modulations multiporteuses sont étudiées depuis les années soixante et sont particulièrement adaptées à ces canaux sévères. Un des obstacles principaux à leur mise en oeuvre était la complexité des appareils d'émission et de réception, mais les progrès accomplis depuis en électronique ont rendu leur réalisation possible. Aujourd'hui plusieurs normes telles que DAB (Digital Audio Broadcasting, norme de diffusion audio numérique), DVB-T (Digital Video Broadcasting - Terrestrial, norme de télévision numérique sur canal hertzien) et ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line) reposent sur les modulations multiporteuses.

Toutefois, un des inconvénients majeurs des modulations multiporteuses réside dans le fort facteur de crête du signal temporel. Défini comme le rapport entre la puissance maximale et la puissance moyenne de ce signal, il en caractérise les fluctuations, ces dernières pouvant être relativement importantes. Cet aspect devient néfaste dès lors qu'il s'agit d'amplifier le signal temporel. En effet les caractéristiques des amplificateurs de puissance ne sont pas parfaitement linéaires et le signal ainsi amplifié présente des distorsions, véhiculant ainsi des erreurs de transmission. Actuellement de nombreux travaux de recherche visent à réduire ces erreurs, soit en diminuant le facteur de crête du signal multiporteuse, soit en compensant les erreurs introduites.

Ce thème a déjà fait l'objet de travaux dans l'équipe ETSN (Électronique, Traitement du Signal et Neuromimétisme) de Supélec, campus de Rennes. Dans sa thèse présentée en octobre 2000, Yves Louët s'est intéressé à une technique de codage canal particulière côté émission qui permet une réduction du facteur de crête du signal temporel [LOUE00]. L'objet de la thèse présentée dans ce mémoire est l'utilisation d'un réseau de neurones côté récepteur dont l'objectif est de réduire les effets des non-linéarités de l'amplificateur sur la transmission multiporteuse.

Les réseaux de neurones font également partie des thèmes de recherche de l'équipe ETSN, et constituent un ensemble de techniques de traitement du signal qui s'inspirent du vivant, et en particulier des systèmes nerveux. Ces techniques ont profité elles aussi du développement de la micro-électronique et constituent des systèmes capables d'accomplir des tâches complexes telles que la reconnaissance de visage ou l'écriture manuscrite. Elles trouvent de plus une place dans le domaine des télécommunications, en particulier dans les systèmes comportant des non-linéarités. Les travaux présentés dans ce mémoire ont donc pour but d'étudier leur emploi dans le contexte des modulations multiporteuses.

Ce mémoire est organisé en 5 chapitres.

Dans le premier chapitre on présente tout d'abord les communications numériques et les notions de télécommunications qui serviront au cours de cette thèse. Les canaux multitrajets et la modulation OFDM (Orthogonal Frequency Division Multiplexing), qui est la modulation multiporteuse sur laquelle portent ces travaux, seront également introduits. Ensuite le problème du facteur de crête dans une modulation OFDM est évoqué, ainsi que ses conséquences dans une chaîne de transmission présentant des non-linéarités. Enfin un aperçu des méthodes déjà existantes pour tenter de résoudre le problème est présenté. La plupart des techniques présentées s'appuient sur le codage canal ou sur une modification de l'émetteur. Quelques autres techniques reposent elles sur une modification du récepteur et permettent ainsi leur utilisation dans des systèmes déjà normalisés puisqu'aucune modification du codage ou de l'émetteur n'est nécessaire.

Le chapitre 2 est une introduction aux réseaux de neurones, et en particulier aux perceptrons multicouches et aux GRBF qui sont les modèles les plus couramment employés. Ce chapitre insiste sur la mise en oeuvre de ces méthodes neuronales, tout en donnant des références à des études plus théoriques des outils présentés. Les architectures des réseaux sont présentées, ainsi que leurs méthodes d'apprentissages. Les algorithmes d'optimisation servant à l'apprentissage ne sont pas abordés dans ce chapitre, mais dans l'annexe A. Les réseaux d'ordre supérieur sont ensuite décrits, car ils sont au centre des travaux menés dans le cadre de cette thèse. En réalisant des produits entre leurs entrées, ces réseaux peuvent utiliser des corrélations d'ordre supérieur entre les entrées, et sont ainsi plus adaptés à certains problèmes rencontrés en traitement du signal. Différentes architectures d'ordre supérieur sont présentées, avec leur méthode d'apprentissage.

Le chapitre 3 présente la méthodologie qui a été employée pour utiliser les outils neuronaux dans un système de transmission multiporteuse. La caractéristique principale est que le réseau de neurones est placé dans le récepteur, après l'égalisation du canal, et dans le domaine fréquentiel. Une étude théorique de l'influence des non-linéarités dans le domaine fréquentiel permet d'établir des règles de symétrie, ainsi qu'une expression de la forme de la fonction que devra réaliser le réseau de neurones. Ensuite l'apprentissage et l'exploitation de différents correcteurs basés sur des réseaux de neurones sont présentés. Les perceptrons multicouches n'ont pas permis d'obtenir des résultats satisfaisants, mais par contre un réseau d'ordre supérieur a montré de bonnes performances dans un système à 4 porteuses. Des études ont été réalisées avec différents types de non-linéarités, et on montre qu'il existe un rapport signal sur bruit optimal pour l'apprentissage du réseau de neurones. Le nombre de porteuses du système OFDM simulé est faible par rapport aux applications pratiques de cette modulation multiporteuses, et lorsqu'on l'augmente, l'apprentissage du réseau de neurones devient difficile et le gain qu'il apporte diminue.

Ainsi dans le chapitre 4, le correcteur est légèrement modifié afin de faire fonctionner le réseau de neurones dans le domaine temporel. Tout d'abord un correcteur idéal basé sur le modèle de l'amplificateur est simulé, afin de prouver la faisabilité d'une telle approche. On parvient à obtenir des performances satisfaisantes à condition d'ajouter une marge de saturation au modèle selon un procédé qui sera décrit dans ce chapitre. Ensuite des correcteurs basés sur des réseaux de neurones sont entraînés et simulés. Ceux qui sont basés sur des perceptrons multicouches aussi bien que des réseaux d'ordre supérieur ont montré de bonnes performances, principalement pour ces derniers. Les réseaux utilisés sont plus simples que ceux qui étaient employés dans le domaine fréquentiel, et leur complexité est indépendante du nombre de porteuses. De plus leur apprentissage est bien plus rapide que celui des réseaux de neurones présentés au chapitre 3. Des simulations montrent qu'en augmentant ce nombre de porteuses, les performances du correcteur restent bonnes, et son utilisation peut être envisagée dans des applications OFDM existantes, comme par exemple la norme de réseau informatique sans fil HiperLAN/2.

Dans le chapitre 5, nous apportons des idées de solutions aux problèmes que pourraient poser la mise en oeuvre des correcteurs présentés dans les deux chapitres précédents. Leurs performances sur un canal multitrajet sont étudiés, afin de s'assurer qu'ils préservent les avantages de la modulation multiporteuse sur ces canaux sévères, et différents moyens de réaliser leur apprentissage sont proposés. Ensuite ces deux correcteurs sont comparés selon plusieurs critères, tels que leurs performances en compensation des erreurs dues aux non-linéarités, et également leur puissance de calcul requise, ainsi que l'évolution de cette dernière en augmentant le nombre de porteuses. Enfin, une comparaison est faite avec un système présenté dans la littérature.

Ce mémoire se termine par une conclusion et des perspectives de recherches qu'il est possible de mener afin de prolonger le travail effectué durant cette thèse.

Afin de faciliter la lecture de ce mémoire, une présentation des conventions utilisées dans les équations se situe après cette introduction. De plus, à la fin de ce mémoire se trouvent un glossaire qui regroupe tous les sigles présents dans ce document, une liste des notations employées dans les équations et un index.