Conclusion et Perspectives

Ce mémoire présente des travaux effectués au sein de l'équipe ETSN de Supélec, campus de Rennes, sur la réduction des effets des non linéarités dans une modulation OFDM. Nous avons en particulier cherché à réduire le taux d'erreur binaire d'une transmission OFDM en ajoutant un réseau de neurones au sein du récepteur, dont le rôle est de compenser les distorsions introduites par l'amplificateur non linéaire. Des correcteurs utilisant diverses architectures neuronales ont été présentés avec les résultats obtenus. Nous nous sommes de plus intéressés à leur mise en oeuvre, et en particulier à la puissance de calcul nécessaire ainsi que leur adaptation au canaux multitrajets.

Le chapitre 1 présente les modulations multiporteuses. Aujourd'hui, plusieurs standards reposent sur la modulation OFDM, en particulier en raison de la simplicité de l'égalisation du canal. Ceci permet de transmettre avec plus d'efficacité des données sur des canaux multitrajets (tels que les communications à l'intérieur d'un bâtiment). Cependant le signal OFDM temporel possède un facteur de crête élevé, et pour des raisons de coût et d'efficacité énergétique, il n'est généralement pas possible de placer dans l'émetteur un amplificateur qui possède une réponse linéaire pour l'intégralité de la dynamique du signal. Ainsi, des erreurs dues à la non-linéarité de l'amplificateur apparaissent dans la transmission. Aujourd'hui, diverses techniques sont étudiées pour diminuer ces effets, en particulier en intervenant sur le codage canal.

Le chapitre 2 est une introduction aux réseaux de neurones en approximation de fonctions et insiste en particulier sur leur mise en oeuvre. Après en avoir posé la problématique, on présente les deux familles de réseaux de neurones les plus classiques, les PMC et les GRBF. Les PMC sont des réseaux basés sur des produits scalaires, qui réalisent généralement des approximations plutôt globales de fonctions, c'est à dire sur de grands intervalles, tandis que les GRBF sont basés sur les distances, et produisent des approximations plutôt locales. A l'aide d'une base d'apprentissage constituée d'un certain nombre de points de la fonction à approximer, différents algorithmes permettent de trouver un jeu de paramètres adaptés, cette étape étant appelée apprentissage du réseau. Enfin les réseaux d'ordre supérieur sont présentés. Ces réseaux peuvent exploiter les corrélations d'ordre supérieur entre les entrées afin de réaliser des fonctions plus complexes, tout en nécessitant moins de paramètres que les PMC ou les GRBF sur certaines classes de problèmes. On insiste en particulier sur les réseaux pi-sigma, ainsi que sur leur généralisation, les RPN. L'algorithme d'apprentissage est proche de celui du perceptron, mais nécessite quelques adaptations. Ces deux premiers chapitres ont permis d'introduire les différents concepts qui seront employés dans le reste de ce mémoire de thèse.

Dans le chapitre 3, le premier correcteur étudié est présenté. Celui-ci est placé dans le récepteur, après l'égalisation du canal, dans le domaine fréquentiel. Une étude de la non-linéarité dans le domaine fréquentiel permet de déduire que les termes d'intermodulation peuvent s'exprimer sous la forme de somme de produits entre les symboles émis sur les différentes porteuses. On établit donc que le réseau de neurones doit avoir en entrée le symbole OFDM complet, même pour corriger uniquement le symbole sur une porteuse donnée. Cette étude établit de plus des règles de symétrie dans le domaine fréquentiel de la non-linéarité, et il est ainsi possible de simplifier le réseau de neurones. Le premier réseau de neurones employé pour réaliser ce correcteur est un PMC. Malgré de nombreuses tentatives sur plusieurs systèmes OFDM avec différents paramètres de simulation et d'apprentissage, il n'a pas été possible d'obtenir de résultats satisfaisants. En effet l'algorithme d'apprentissage ne parvient pas à faire converger le réseau vers une solution qui réduirait le taux d'erreur binaire. Le second correcteur présenté est basé sur un RPN, un réseau de neurones d'ordre supérieur. Les performances sont intéressantes sur 4 porteuses avec une modulation MAQ16, puisque l'on constate un gain de 1,5 dB pour un taux d'erreur binaire de dans un système avec un modèle d'amplificateur non linéaire SSPA, et un gain de 5 dB au même taux d'erreur binaire dans un système avec limiteur. Par contre les performances sont moins intéressantes avec 8 porteuses, et avec 16 porteuses le correcteur n'est plus efficace. Le problème de l'apprentissage se pose à nouveau avec le correcteur à RPN, mais pour un nombre de porteuses plus élevé qu'avec le correcteur à PMC.

Pour réaliser un système adapté à un plus grand nombre de porteuses, l'idée proposée dans le chapitre 4 est de placer le réseau de neurones dans le domaine temporel. Ce nouveau correcteur est plus proche de solutions existantes avec des modulations monoporteuses, tout en ayant quelques caractéristiques propres. Tout d'abord l'amplificateur sature bien plus avec un signal OFDM temporel, et donc la non-linéarité est plus prononcée, et de plus le réseau de neurones doit réaliser une approximation de fonction sur un intervalle, tandis que dans le cas d'un signal monoporteuse, il doit faire une classification parmi un nombre fini de symboles placés sur une constellation. Enfin il n'est pas possible d'inverser parfaitement la non linéarité de l'amplificateur car une partie du signal temporel, présente en dehors de la bande utile, est fortement atténuée au cours de la transmission. Dans le principe proposé, le signal OFDM reçu est tout d'abord transformé dans le domaine fréquentiel afin d'effectuer l'égalisation du canal, puis ramené à nouveau dans le domaine temporel. Ensuite le réseau de neurones effectue la compensation de la non-linéarité, puis le signal est une fois encore transformé dans le domaine fréquentiel afin d'extraire le symbole OFDM reçu. Deux correcteurs sont présentés dans ce chapitre, avec les réseaux de neurones PMC et RPN. Les deux réseaux permettent de réduire le nombre d'erreurs, mais c'est également le RPN qui obtient les meilleures performances, avec un gain mesuré de 6 à 8 dB pour un taux d'erreur binaire de dans un système OFDM à 48 porteuses, une modulation MAQ16 et des modèles d'amplificateurs SSPA. Le système présenté permet donc dans ces conditions de diviser la puissance de l'amplificateur, et donc sa consommation d'énergie, par au moins 4 tout en conservant la même qualité de transmission. Par contre dans le cas du limiteur la compensation des erreurs est moins efficace.

La chapitre 5 replace les travaux effectués dans le contexte des applications multiporteuses, en s'intéressant tout d'abord à quelques aspects de leur mise en pratique et à leurs performances en présence d'un canal multitrajet. Deux possibilités sont envisagées pour l'apprentissage du réseau. Premièrement celui-ci peut-être effectué une seule fois par amplificateur, et les paramètres obtenus peuvent être mémorisés et transmis au récepteur au début de la transmission. Une autre solution est qu'il soit effectué par le récepteur à chaque fois qu'une transmission est établie, à l'aide de symboles OFDM de calibration connus de l'émetteur et du récepteur. Dans ce dernier cas il faut remarquer que pour obtenir des performances optimales, il est nécessaire de déterminer expérimentalement le meilleur rapport signal sur bruit du canal lors de l'apprentissage. Des simulations ont également été effectuées avec un canal multitrajet, et celles-ci montrent que le correcteur à RPN temporel garde ses bonnes performances, ce qui était attendu étant donné que l'égalisation du canal et celle de la non-linéarité sont indépendantes dans ce correcteur. On mesure en effet un gain de près de 10 dB pour un taux d'erreur binaire de dans un canal multitrajet avec une modulation OFDM composée de 512 porteuses. Ensuite dans une seconde partie les correcteurs présentés dans les chapitres 3 et 4 sont comparés. Les deux types de correcteurs sont capables de s'adapter à différentes non-linéarités, sauf dans le cas du limiteur, dans lequel le correcteur temporel est bien moins efficace. Dans un système à 4 porteuses, les deux correcteurs ont des performances très similaires, mais lorsque l'on augmente le nombre de porteuses, seul le correcteur temporel garde de bonnes performances. De plus ce dernier demande beaucoup moins de calcul que le correcteur fréquentiel. En effet dans un système à 1000 porteuses le système OFDM avec correcteur temporel a besoin d'environ 8 fois plus de puissance de calcul que le récepteur OFDM simple, tandis que le correcteur fréquentiel en nécessiterait 10000 fois plus. Enfin le correcteur RPN temporel est comparé à un autre type de correcteur, dit postdistorsion OFDM et présenté dans [NISH96]. Il s'avère que le correcteur RPN temporel présenté dans le chapitre 4 est bien moins complexe que la postdistorsion et demande beaucoup moins de calculs, surtout avec un nombre de porteuses élevé. Ceci se fait au détriment d'une légère dégradation des performances, principalement avec un rapport signal sur bruit élevé. Dans les conditions présentées dans l'article, le système cité permet un gain de 2 dB pour un taux d'erreur binaire de , tandis qu'avec le correcteur à RPN temporel dans les mêmes conditions, on mesure un gain de 1 dB. Par contre ce dernier demande environ 100 fois moins de calcul que le système cité.

Les travaux accomplis durant cette thèse ouvrent plusieurs perspectives de travaux futurs. Tout d'abord il est possible de prolonger le travail présenté dans le chapitre 3. En effet l'apprentissage du réseau est difficile lorsque le nombre de porteuses est supérieur à 8. Il est possible de travailler soit sur l'algorithme d'apprentissage lui-même, soit en utilisant une autre technique d'optimisation, soit en le guidant à l'aide des symétries de la non-linéarité dans le domaine fréquentiel. Cette symétrie pourrait aussi permettre de simplifier l'architecture du réseau de neurones, facilitant ainsi son apprentissage. Il est également possible d'implémenter d'autres types de réseaux de neurones, tels que les SVM, qui n'ont pas été étudiés ici.

Le travail présenté dans le chapitre 4 peut aussi être prolongé selon différents axes. Même si nous avons précisé que le problème de l'inversion de la non-linéarité n'a pas exactement les mêmes caractéristiques que celui avec une modulation monoporteuse, les simulations ont montré que le correcteur à RPN avait de bien meilleures performances que celui avec un PMC. Une application des réseaux d'ordre supérieur aux modulations plus classiques serait intéressante à étudier et pourrait apporter de meilleures performances que les correcteurs neuronaux déjà étudiés dans la littérature. De plus, l'égalisation du canal et la correction de la non-linéarité sont totalement indépendantes dans le système que nous proposons. Comme montré dans le chapitre 5, l'apprentissage successif des deux modules ne pose pas de problèmes dans un canal multitrajets, mais il est tout de même possible que l'égaliseur soit perturbé par la non-linéarité. Il serait peut-être intéressant d'étudier un apprentissage simultané des deux modules afin de l'accélérer, et également de pouvoir réduire une éventuelle perte de performance causée par l'égaliseur de canal.

Les deux correcteurs n'ont pas été étudiés en présence d'un code correcteur d'erreurs. La distribution des erreurs à l'issu de ces correcteurs n'a pas été déterminée, et une étude en présence d'un code canal est nécessaire avant de projeter une implémentation sur un système existant. Si les réseaux neuronaux ne modifient pas la distribution des erreurs, tout code utilisé en OFDM pourra être employé.

Le travail accompli dans cette thèse peut également s'inscrire dans un autre domaine de recherche de l'équipe ETSN, la radio logicielle. Son objectif est de réaliser des systèmes qui sont capables de s'adapter à différents protocoles de communication. Ces modifications peuvent être effectuées aussi bien au niveau du matériel que du logiciel, à l'aide de processeurs et composants reconfigurables dits "system on chip". Lors d'un changement de protocole, il est probable que l'amplificateur d'émission soit également différent, ou utilisé à un point de fonctionnement différent. Les caractéristiques de sa non-linéarité peuvent également se modifier, et donc un correcteur capable de s'adapter à différentes non-linéarités peut s'avérer utile. L'intégration d'un des correcteurs présenté dans ce mémoire au sein d'un système de radio logicielle, ainsi que son interaction avec les différents protocoles de communication peut constituer un dernier axe de recherche prolongeant les travaux déjà effectués.